mercredi 4 novembre 2009

L'enfer sous terre

Pour vous raconter ma journée d'aujourd'hui il faut que je commence par vous raconter l'histoire de Potosí.
En 1544, Diego Huallpa, un Inca local parti dans la montagne à la recherche d'un lama égaré, alluma un feu au pied d'une montagne appelée Potojsi pour se réchauffer. Sous l'effet de la chaleur, le sol se mit à fondre et un liquide brillant en émergea, faisant comprendre immédiatement à l'intéressé l'intérêt de sa découverte. Les Espagnols ne tardèrent pas à se l'approprier et fondèrent la ville de Potosí en 1545, au pied du Cerro Rico (Mont Riche), la fameuse montagne. Pour exploiter tous les minerais qui s'y trouvaient et en particulier l'argent, ils firent appel à l'esclavage indien et africain. Tous devaient travailler 12 heures par jour et rester sous terre 4 mois sans sortir, y travaillant, y dormant, y mangeant. On estime qu'en 3 siècles d'exploitation 8 millions de personnes périrent dans les mines. En parallèle, il est dit que la quantité d'argent extraite de cette mine aurait permis de construire un pont de Potosí à l'Espagne. L'histoire de Potosí est donc entièrement liée à cette ressource et pendant les années d'opulence, la ville fut l'une des plus peuplées (200 000 habitants) et des plus riches d'Amérique, preuve en sont ses magnifiques bâtiments coloniaux.
Le problème est que les minerais ne sont pas inépuisables et que leurs cours fluctuent. A partir du XIXe siècle, les filons ont commencé à s'épuiser et le cours de l'argent a fortement chuté. Et quand il y avait encore 20 000 mineurs il y a 5 ans, il n'en reste plus que 5 000 aujourd'hui.

Aujourd'hui, donc, j'ai visité une des mines de Potosí.


La visite commence par un équipement complet du touriste : bottes étanches, sur-pantalon et veste étanches, casque, lampe. Puis on s'arrête au marché aux mineurs, là où les mineurs achètent ce dont ils ont besoin sous terre pour faire nous aussi nos achats pour leur offrir en cadeau : des feuilles de coca, beaucoup, c'est tout ce qu'ils "mangent" sous terre, des boissons, des cigarettes, de l'alcool à 96 degrés pour les offrandes au Dieu souterrain el Tío et... de la dynamite. Et oui, à Potosí, le dynamite est en vente libre : nitroglycérine, mèche, détonateur et sulfate d'ammonium pour accentuer l'explosion. Je suis devenue experte en 10 minutes sur le sujet.
Une fois équipés, on se dirige vers l'entrée de la mine, sans oublier au préalable de tester nos explosifs en dehors de la mine (voir les photos dans le lien photos).
Et puis on entre dans la mine...........

Je ne connais pas les mines du Nord de la France ni les conditions de travail de nos mineurs, mais j'ai un peu l'impression de me retrouver au XIXe siècle :
- 15 degrés à l'entrée de la mine, puis 20 degrés dans les premiers 200 mètres, puis 25 et 30 et jusqu'à 35 au bout du tunnel que nous visitons.
- des galeries où il vaut mieux mesurer moins d'1m70, puis d'1m50, puis d'1m30, puis où on finit par passer à genoux ou sur les fesses. Il y avait d'ailleurs avant beaucoup d'enfants qui travaillaient là, mais on nous dit que ce n'est plus le cas.

- de l'eau au sol, des ruissellements, des tuyaux d'air comprimé qui se promènent, des odeurs un peu "étranges", de la poussière, des plafonds qui menacent de s'effondrer, des wagonnets...
- des hommes qui travaillent quasiment à mains nus dans des trous d'1m de diamètre.
Tout ça entre 4 et 8 heures par jour selon la température.
Et pourquoi tout ça ? Parce qu'il n'y a pas grand chose d'autre à faire à Potosí et parce que ça paie "bien" : de 1 200 Bolivianos par mois pour les débutants à 2 000 Bolivianos pour les anciens, "ancien" étant un terme s'appliquant à tout mineur arrivant à dépasser les 45 ans, le salaire minimum en Bolivie étant de 550 Bolivianos par mois, soit 55 euros. Le salaire dépend bien-sûr de la quantité et de la qualité de minerai extrait, et aujourd'hui le zinc remplace l'argent. Heureusement, certains, comme notre guide, font cela quelques années avant de passer à un autre job ou de reprendre des études.

Mes impressions de ces 2 heures dans la mine ?
Malaise, horreur, honte...
Et en résumé : personne n'a le droit de se plaindre de son job, aussi dur soit il.

6 commentaires:

  1. Beau récit... impressionnant.
    Je nuancerais la conclusion : on a tous le droit de se plaindre (de son job, sa vie, son logement etc...) mais faut savoir relativiser. Une caissière de chez Leclerc peut se plaindre face à son patron mais doit relativiser par rapport aux mineurs...

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  2. Quel courage ! Il faut leur donner à lire GERMINAL ...
    JC

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  3. je suis d'accord avec anonyme n°1 :D

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  4. hé oh, non mais .... t'as bien vu le RER aux heures de pointe, toi??? Et lundi y'a grève encore là, alors la mine on va l'avoir au centuple nous hein!!

    [pour ceux qui ne connaissent pas mon humour 8eme degré, soyez indulgent]

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  5. je suis content que tu aies pu rencontrer des mineurs et leurs conditions de vie, on a pas eu cette chance lors de notre passage...

    on est à san pedro d'atacama, hier soir on a regardé les étoiles

    ta conclusion me va bien
    a bientôt
    michael et celine

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  6. Moi je vais continuer à me plaindre de mon job, c'est naze le marketing !!! Mais chapeau bas pour la visite, je n'en aurais pas eu le courage... Et puis de toutes façons le jaune ne me va pas du tout. Et j'espère que demain je paragerais le même wagon à bestiaux que Marc pour aller à la Défense...Biz
    Agnès

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